Depuis le japon…whats’app dans les espaces d’apprentissages universitaires?

Rencontre avec John Augeri


Bon, je triche un peu ! : j’ai mené l’entretien en Visio avec John Augeri qui, ce jour là, travaillait dans un tiers-lieux à Tokyo. Nous aurions pu nous rencontrer, mais, quand je suis passée par Tokyo, il était déjà parti ailleurs, aux États – Unis, intervenir pour la conférence EDUCAUSE !

John AUGERI est LE spécialiste international des Learning Spaces, en particulier universitaires.
Depuis 2009, il est responsable À L’Université Numérique Île-de-France (UNIF) du programme de formation des enseignants des 25 établissements universitaires d’Ile de FRANCE sur les thématiques du numérique et des usages de l’espace d’apprentissage.

Ces formations se déroulaient historiquement en présentiel dans 5 centres de formation configurés classiquement en salle de formation-labo PC. C’est quand il a commencé à solliciter l’avis des usagers que les espaces ont aussi évolué. Les enseignants qui se formaient demandaient plus de travail en groupe et souhaitaient venir avec leurs machines. C’est ainsi que le collaboratif et le BYOD (Bring Your Own Device) ont pris place.

En 2014, il a commencé à s’intéresser aux Learning Spaces qui étaient alors majoritairement des salles de pédagogie active. En 2016, il lance un projet de recherche de comparaison sur trois dimensions, qui lui a depuis fait visiter près de
290 espaces dans le monde universitaire. Il s’intéresse aux dimensions opérationnelles, stratégiques, et pédagogiques. Son projet couvre l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Asie du Sud-Est (avec en particulier le Japon) et l’Océanie

Outre le fait d’apporter de l’innovation dans les espaces, cette démarche est un moyen d’alimenter la recherche sur ce sujet qui lui tient à cœur et dont il nous fait profiter dans ses publications. Il est rédacteur en chef du rapport
annuel de la Délégation Française EDUCAUSE dans lequel sont notamment traités les espaces d’apprentissage Je vous invite à y jeter un oeil !

Évolution dans le temps des espaces d’apprentissage

Les Learning Spaces sont d’abord des classes actives d’apprentissage


Jusqu’au milieu des années 2010, les Learning Spaces étaient majoritairement des Active Learning Classrooms. Fin 2017, ces salles actives d’apprentissage se généralisent sur les campus. Il précise que trouver des architectes et des fabricants de mobilier est facile, et qu’ils sont souvent excellents, mais que ce ne sont pas eux qui enseignent ou sont formés. L’installation de mobilier flexible et de la technologie numérique a pu sembler être une recette magique, mais cette recette ne se traduit pas forcément dans les usages. Il a constaté que des enseignants ne modifiaient pas toujours la géographie des salles de cours en disant que « personne ne leur avait expliqué à quoi ça servait de bouger les tables ». John AUGERI insiste sur la nécessité vitale de l’ingénierie pédagogique pour anticiper et accompagner les usages.

Un glissement vers les Learning commons

Avant le Covid et à partir de 2018, il y a un glissement des Learning Spaces vers les espaces informels, en
particulier sous la forme de Learning Commons ou de Learning Centers. La recherche a montré que les étudiants passaient trois fois plus de temps sur les espaces informels que sur les espaces formels dans les campus. L’article de John Augeri portant sur les pratiques différentes des pays est passionnant à ce sujet.
Les Commons et les Learning Centers se sont traduits par la transformation essentiellement des anciennes bibliothèques en lieux de travail collaboratif et accompagné, et par l’intégration de la dimension « lieux de vie ». (couloirs, halls , cafétérias)

Au Japon, il y a eu par exemple, un effet de surenchère de ces nouveaux espaces par besoin de positionnement par rapport à la concurrence. ll y a en effet trop d’universités par rapport au nombre potentiel d’étudiants, et afficher des espaces innovants a un pouvoir d’attractivité dans un contexte concurrentiel. Il peut avoir ainsi un effet de mode dans d’affichage de ces nouveaux espaces.


«  Il y a des espaces qui sont beaux à voir mais qui ne catalysent pas l’innovation »

John Augeri

Pourquoi parler d’espace aujourd’hui ?


Depuis 2016 la situation a évolué et il n’y a jamais eu autant de raison de parler de numérique et d’espace physique aujourd’hui. « Le distanciel bien fait est incontestablement plus qu’une version dégradée du présentiel ». La COVID a permis d’expérimenter la distance. Quand on demande aux étudiants de venir sur site, il faut qu’il y ait une valeur ajoutée. Les étudiants veulent du collaboratif pour relégitimer le présentiel. Ils mettent en avant l’intérêt de retrouver une vie sociale dans des locaux qui le permettent. L’amphi a du mal à concurrencer les vidéos enregistrées de qualité parfaite qu’on leur a proposé à distance.


« L’apprentissage est une activité sociale, se motiver les uns les autres, avoir un effet d’entraînement ( …) Il s’agit de rendre possible le travail collectif et de le catalyser dans les outils numériques et du mobilier . »

John Augeri

Les conseils aux équipes qui veulent créer des espaces d’apprentissage ?


Je termine l’entretien en demandant à John Augeri ce qu’il conseillerait à des équipes qui se lancent dans la conception de locaux.

Il donne deux grands conseils :

  • Avoir une évaluation des usages à venir AVANT de faire les espaces
  • Associer systématiquement toutes les catégories d’acteurs, en particulier les étudiants et les enseignants, c’est-à-dire ceux qui pratiquent et qui participent et qui sont trop peu souvent associés.

Un cursus de formation aux Learning spaces ?


Pour renforcer les compétences universitaires, l’UNIF se dote d’un nouveau cursus de formation « cursus learning spaces » qui démarrera début 2023 et couvre quatre grands thèmes.Il vient clairement compléter les travaux de recherche faits.
On peut retrouver sur leur site les modules et le public visé, résumés ci-dessous.

Ces thématiques peuvent nous éclairer sur les points à prendre en compte dans la conception des espaces apprenants.

  • 1/ les fondamentaux (les différents types de Learning Spaces : Active Learning Classrooms polyvalentes ou spécialisées, amphis collaboratifs, Learning Commons et Learning Centers, et les espaces transitionnels. Y seront vus les concepts et les équipements.
  • 2/ le pilotage (questions de pilotage, évaluation quantitative et qualitative des espaces).
  • 3/ les questions de design et de conception : mobilier et aménagement, alimentation électrique et gestion de l’acoustique, équipements audiovisuels et collaboration, adaptation des espaces aux configurations HyFlex (mixant le présentiel et le distanciel en simultané)- intégration de la biophilie et des dispositifs de confort.
  • 4/ les pratiques pédagogiques innovantes (questions d’Active Learning, de classes inversées (Flipped Classrooms) et de Project Based Learning, et d’activité hybrides mixant en simultané ou en différé le présentiel et le distanciel.)

Pour finir… un cadeau


Ma Visio se termine et je me propose de le rencontrer aux États-Unis, en vrai, au printemps 2023 au moment de la conférence EDUCAUSE Learning Initiative (ELI) qui portera sur les aspects pédagogiques.

En cadeau, il me transmet le lien vers la version française d’un outil d’évaluation des espaces d’apprentissage : LSRS/ Learning Space Rating System .

Elle peut nous être fort utile dans l’analyse a priori ou a posteriori des espaces.

2 réflexions sur “Depuis le japon…whats’app dans les espaces d’apprentissages universitaires?”

  1. Super article Marie-Christine sur John Augeri !!! Merci de nous faire partager tout ça ?
    Je vis à Tokyo où je suis moi aussi partie en Learning Expedition (à travers mon podcast) à la découverte des expériences d’apprentissages professionnels de francophones expatriés .

    Cet article me donne très envie de creuser cet aspect des espaces d’apprentissage innovants sur les campus japonais… de ce que j’ai pu découvrir en matière de pédagogie ici c’est souvent très basique : l’enseignant ou le formateur que l’on appelle Sensei est le garant des connaissances que l’on ne remet jamais en cause : beaucoup de descendant, peu de méthodes actives… comment donc ces espaces favorisent-ils l’évolution des méthodes d’apprentissage ? J’interviewe justement sous peu pour mon podcast un enseignant chercheur de Toyo spécialiste de l’innovation… je serai curieuse de le questionner là dessus ! Bon voyage à vous. Hâte de connaître la suite ?

    1. Marie-Christine LLORCA

      merci Cécile du retour! ça serait super d’avoir la suite de l’enquête in situ avec votre podcast en direct du japon ! on le fera découvrir aux abonnés de Miles !!

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