Mes échappées belles à Marseille 2 : « Le MUCEM-Belle de Mai »

Avec mon complice Michel Farhi, Marseillais et dirigeant de Faire Plus, nous sommes reçus au MUCEM – BELLE DE MAI par Marie-Charlotte Calafat, Responsable du département des collections et des ressources documentaires du Mucem -Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. J’avais envie de découvrir un autre aspect du MUCEM et en particulier, comment on peut penser la circulation, la déambulation, l’action du public dans un musée. Je pense qu’il y a des choses à emprunter en formation dans les stratégies mise en place dans les musées pour faire vivre une expérience apprenante au public. je n’ai pas assez pu investiguer cet univers dans MILES… mais je vais poursuivre. Je rends hommage pour cela à André Giordan, décédé depuis peu, et à ses travaux sur la muséologie.

L’interview (tout l’entretien n’est pas retranscrit … n’hésitez pas à mettre votre casque et à vous laisser embarquer!)

Où sommes nous ?

« Alors donc, ici, vous êtes au Centre de conservation et de ressources du Mucem qui est un lieu situé dans le quartier de la Belle de Mai, à dix minutes à pied de la gare Saint-Charles, et qui a été pensé pour être le lieu des réserves du Mucem.

ll est donc dédié à la conservation des collections et en particulier à cette collection. Elle est assez pléthorique puisqu’on parle d’un million d’objets et documents. Mais au delà de la mission de conservation et gestion des collections, ce site est aussi tourné vers l’idée de pouvoir la valoriser en s’appuyant sur un bâtiment qui a été pensé pour l’accueil du public. ll y a donc des espaces dédiés.

4 espaces pour faire connaissance avec les objets

  • Une petite salle d’exposition,
  • Une salle de lecture ouverte au public tous les jours après 12 h du lundi au vendredi en accès libre où sont donnés vraiment à voir, à lire, à consulter l’ensemble des ressources documentaires, ouvrages, documentations, archives. Spécialisée en ethnologie et sciences humaines, la bibliothèque du Mucem compte de 200 000 livres et revues sur la France, l’Europe et la Méditerranée, dont 6 000 l anciens (du xve au xixe siècle) et 3 000 titres de périodiques, dont deux tiers français et un tiers étranger.
  • Une salle de consultation dédiée aux objets de la collection, qui est sur rendez vous pour que l’équipe des régisseurs et des conservateurs puisse sortir les objets des réserves et les mette à disposition de qui en fait la demande.
  • L’appartement témoin : un espace assez inhabituel de visite, mais qui est vraiment la force de ce site, c’est de permettre l’accès à un pan des réserves . Il présente un échantillon de l’ensemble des collections du Mucem. Il donne ainsi aux visiteurs un aperçu de ce qu’est une réserve de musée et de la diversité des collections du Mucem, en présentant plus de 20 000 œuvres, objets et documents. Il fait 800 mètres carrés sur les 8000 mètres carrés total de réserve de ce site. Il donne un échantillonnage de la collection comme elle est organisée, comme on l’étudie, puisque dans cet espace la collection est organisée par pôle thématique. Donc vous avez des entrées sur les collections agricoles, artisanat, vie publique, vie domestique, etc.

La salle de consultation

Les archives du Mucem comptent près d’un kilomètre linéaire. 79 000 enregistrements sonores et plusieurs milliers de vidéos. On va prendre RDV dans cette salle pour consulter les objets de prés, pour les analyser en compagnie d’une personne du musée, et ce, sur demande .

L’appartement témoin : une autre façon d’appréhender les objets et les métiers du musée

« C’est une manière d’appréhender la collection différente de celles habituelles dans les musées, qui est la forme exposition où les objets sont parfois mis en distance avec des vitrines, avec des cartels, avec un discours.

Tout ce que peut être une exposition ici, c’est tout autre chose qui est proposée puisqu’on accueille du public. Ça repose sur l’équipe scientifique et l’équipe, en particulier du département des collections et des ressources documentaires, qui est donc le leur site de travail sur CCR.

Mais ils ont en plus la possibilité de d’accueillir le public et de transmettre aussi finalement ce qu’est le métier du patrimoine, ce qu’est leur métier, sachant qu’il est multiple puisque dans l’équipe du département, vous avez à la fois des régisseurs, des installateurs, des archivistes, des documentalistes, des bibliothécaires, etc. Etc. Et c’est donc eux qui accueillent le public. Et c’est donc à la fois un moment de discussion et d’échange sur la collection, tourné différemment, qu’une exposition. Ça questionne sur le sens aussi de cette collection, sur le sens des métiers, pourquoi on la conserve, et en particulier ce qu’est le Mucem, c’est à dire un musée de société qui a hérité d’un pan de collections importantes depuis la fin du XIXᵉ siècle. Ces collections nous permettent de nous interroger sur la manière dont les sociétés vivent aussi, la manière dont tout ça évolue, comment ces objets matériels peuvent témoigner de questionnements sur nos besoins, sur la manière dont on mange, dont on boit, dont on fait la fête, etc. Et tout ça c’est des questionnements finalement au cœur toujours de notre actualité.

Cet appartement témoin, c’est une possibilité donc de contact direct avec la collection, ce qui est assez inhabituel, et aussi d’une rencontre directe avec ceux qui la gèrent et qui la constituent. »

La forme de cet appartement ?

« Il s’agit vraiment de rester dans un espace de réserve. Donc le mobilier dans cet espace est celui que l’on va retrouver dans les seize autres réserves non accessibles au public. C’est à dire il y a des meubles tiroirs, des rangements pour les gros objets, des rayonnages mobiles qui sont des grands mobiliers, avec un enjeu d’optimisation aussi de stockage. Et donc il y a ce mobilier de la conservation qui est très présent, qui permet de questionner aussi la manière dont on conserve les collections. Tout ça n’est pas caché. Il y a des enjeux liés à la veille sanitaire, des pièges lumineux pour les insectes, des enjeux liés ici au plan de sauvegarde. C’est à dire en cas de départ, d’incendie ou d’inondation, il y a tout. On fait des visuels de scotch, de hotte, d’objets en fait sécuriser de manière prioritaire.Donc il n’y a pas de tricherie ou de mensonge sur une réserve. »

« Il y a aussi une vision des objets différentes justement de celle d’une exposition où on va être amené parfois à mettre en vitrine. Là, au contraire, l’objet est mis en sécurité sur des mousses. Les objets sont aussi sécurisés. Les objets ont code barre parce que chaque objet a son système pour être repéré en réserve, chaque mobilier lui aussi et présente des dates pour donner à voir toute notre arborescence de stockage. Donc il y a vraiment ce côté coulisses de ce qu’est une réserve qui est très présent et dans l’organisation ; donc la réserve et organisée, comme l’équipe scientifique, en entrée thématique. Chaque pôle de collection est visible sur les différents types de mobilier et on avance dans une vision globale de la collection avec des objets qui y sont, pour certains, un peu plus mis en valeur que d’autres pièces qui sont dans des armoires vitrées, ce qui permet aussi d’avoir un accès visuel facilité à les collections lors de ces visites.

Je me dis que cet espace est comme une espèce d’extrait, une mini réserve vivante, mais dans un endroit où les gens peuvent se rendre compte que les objets ont une substance.

Le petit flacon aux noyaux de cerise et Tinder

J’ai appris qu’il y a avait eu un cycle de conférences et que les conservateurs pouvaient apporter un objet significatif par rapport au thème de la conférence pour en expliquer l’histoire. Nous allons chercher du côté des objets que vous avez eu à choisir dans le cadre de cycle de conférences,et faire le lien entre l’objet et le discours. Comment vous avez fait, vous, vos choix et comment vous avez amené ces objets là à prendre la parole ?

« C’est un projet qui a été conduit avec le Département des publics et de la programmation culturelle, un cycle de conférences qui s’est tenu au Mucem dans l’auditorium et qui ont été appelés les procès du siècle sur l’ensemble d’une année. Cette année ils ont été liés à la question du genre. Cette question du genre, notamment la masculinité affirmée, la grossophobie, la question du yel, des hommes. On avait, avec un échange avec les publics, un certain nombre d’intervenants qui ont choisi des objets avec ces questions en filigrane. ll y a eu un cycle autour de la question de la rencontre amoureuse et de Tinder par exemple. En travaillant donc sur la collection, j’ai pu amener dans l’auditorium un objet qui est un des premiers objets qui est rentré dans les collections du musée à l’époque du Musée d’ethnographie du Trocadéro. On est à Paris en 1900 et il y a un folkloriste qui s’appelle Lionnel Bonne Mère, qui a collecté à peu près 3000 amulettes objets. Il y a des croyances populaires et des coutumes et parmi eux, il y a un petit bocal avec quatre noyaux de cerises et cet objet est lié à des archives qui retracent ce que Lionel Bonne Mère a écrit, un peu d’enquêtes de terrain où il va raconter le sens de cet objet. »

Cet objet est particulièrement signifiant pour ce sujet puisque ces noyaux étaient employés en Bretagne par les jeunes gens qui cherchaient leur futur ou leur futur époux, épouse, avec tout un rite. Il fallait les envoyer en l’air, chanter une chanson « pépins, par ici, pépin par là, là où les pépins tomberont, la bonne année viendra ». Et la manière dont les pépins tombent doit indiquer vers où il faut se rendre pour aller chercher son futur et sa future épouse. Pour questionner justement ces interactions, comment on rencontre, comment on évite l’endogamie. Cet objet là était très signifiant

Nous cherchons donc dans l’appartement témoin le petit flacon aux noyaux de cerise.

Une autre façon d’accéder au musée

« Ce qui est proposé, c’est donc une modalité très différente là aussi de celle d’accéder à un musée. Une exposition, c’est que ce n’est pas une visite libre, c’est un moment d’échange qui est proposé avec tous les acteurs de ce moment. Les groupes sont limités avant pour permettre justement un accès confortable et visuel à l’ensemble de ce qui est donné, de ce qui peut être donné à voir. Et donc ça c’est la visite un peu, disons, de base.

On a pensé aussi à des ateliers qui permettent de donner à voir, en particulier certains objets et de poser certaines questions. C’est ce qui s’est mis en place , de manière assez variée, sur des pans forts de la collection, sur le conte pour les petits, pour les maternelles, sur la question des monothéismes, en particulier pour les collégiens, sur la question pour ceux du genre, pour les plus grands, les lycéens. On accueille aussi beaucoup de lycée agricole sur les collections agricoles, des collections liées aux objets du quotidien. C’est l’occasion d’accueillir beaucoup de designers, d’étudiants de mode.

Cette collection, c’est un vivier qui peut être véritablement mis aux mains pour des projets éducatifs en lien avec leur futur métier. Et ça permet de la requestionner sans arrêt sous cet angle de ce que cette collection peut nous faire dire sur la manière dont on appréhende notre métier aujourd’hui.

Comment vous faites pour créer des parcours d’apprentissages différents en fonction des besoins des publics?

« La réserve elle même, elle évolue aussi du fait que la collection bouge la collection, elle peut être exposée au Mucem, elle peut être prêtée, elle peut être déposée dans d’autres institutions. La collection vit parce qu’on l’enrichit. Chaque année, lors de commissions d’acquisitions, il y a environ entre 500 et 1000 objets qui rentrent dans les collections. J’ai la chance de pouvoir à la fois assumer des commissariat d’exposition au Mucem et bien évidemment qu’on n’est pas derrière chaque visiteur pour comprendre ce qui se passe quand il visite une expo. On va être plus ému, intrigué par certains objets que par d’autres. »

Je lui demande comment ils travaillent la multimodalité des supports, quelles étaient leurs possibilités de faire des variations et de s’adapter au public ?

  • L’idée c’est essayer de penser l’exposition dans ses dialogues. C’est de jouer sur des dialogues qui sont pas évidents et de faire bouger justement ces rencontres entre art moderne et art contemporain et art populaire. Parce que le dialogue va permettre de regarder différemment la collection.
  • L’autre champ, c’est cet espace, ce centre de conservation et de ressource qui est un moment de rencontre avec les possibles publics du MUCEM.
  • Enfin, la diversité de ce qui est proposé comme ressources écrites, texte et cartel. C’est un travail avec les publics pour proposer des cartels, en faisant des parcours qui peuvent aussi s’adresser aux plus jeunes publics. Il proposent aussi la médiation orale. Certains préfèrent au contraire être accompagnés et d’autres n’ont pas forcément envie de lire. Peu importe en fait. Rien n’est obligatoire, mais ils essaient de jouer sur la diversité.

Ce serait quoi un espace idéal ?

« Il y a des codes des expositions qui s’expérimentent depuis des décennies. Il y a des tentatives réussies, avortées, mais sur lesquelles on peut s’appuyer. Et on a la chance d’être l’héritier du Musée des arts et traditions populaires, dont le directeur était Georges-Henri Rivière. Celui qui l’a pensé, qui est un des plus grands muséologue en France, qui a expérimenté différents modèles muséographique ». Il existe en particulier deux modèles.

  • les séquences de fabrication pour essayer de traduire le rapport de l’homme à la matière, notamment sur la fabrication de quelque chose. comme du blé au pain, c’est à dire on va voir comment on va cueillir le blé, le travailler jusqu’à l’objet en boulangerie ; ou comment on va passer de la terre au pot et donc quels sont les modalités de montage autour au colombin. Et tout ça se traduisait de manière très belle en vitrine, ce rapport à la matérialité et à la fabrication et au geste et à l’humain.
  • les unités écologiques, qui était l’idée de collecte d’un environnement complet restitué tel quel. Et ça pouvait être une forge des environs, un buron en Aubrac, un intérieur breton et on a pu expérimenter des expositions. On a redonné à voir ce modèle qui est.

« Et je pense que ces modèles là sont, il faut continuer à les travailler, c’est à dire ce rapport entre l’objet et la photo justement, le fond sonore… Continuer à essayer d’expérimenter et de poursuivre ces expérimentations. Et je pense qu’on part d’une collection. C’est particulièrement important de le faire en musée.

Ce que j’ai appris, les questions que je me pose

  • Que faire le rapprochement entre les espaces de formation et les aménagements éducatifs des musées est une piste à creuser
  • Qu’un objet peut être un protagoniste dans une formation pour faire ancrer un concept – en l’occurrence, ici un objet qui renvoie à une pratique sociétale ( comme le flacon des noyaux de cerise)

3 réflexions sur “Mes échappées belles à Marseille 2 : « Le MUCEM-Belle de Mai »”

    1. Marie-Christine LLORCA

      Merci de ce joli retour n’était pas à vous balader un peu partout dans les posts de De Là ! Très sincèrement

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