L’espace absolu du Groenland

J’avais tellement envie d’aller voir là-bas comment c’était, après le désert rouge du centre de l’Australie et la montagne sacrée d’ULURU, comment ça se passe dans le Grand Blanc, dans le vide glacé, moi qui déteste le froid et tout ce qui glisse.

J’ai trouvé une webcam qui filme NUUK la capitale en direct

Je voulais aussi explorer intentionnellement un autre espace, pas un espace fait pour l’apprentissage, mais un espace dans lequel les habitants doivent faire avec, faire corps. Je voulais aussi explorer ce rapport à la colonisation, à l’empêchement vécu par les inuits, comme pouvaient le vivre les aborigènes en Australie.

Me voilà partie 10 jours explorer tout cela dans un alternance de temps organisés par des petites agences locales et de l’exploration libre prudente. Je précise que les émissions de CO2 générées par ce voyage sont compensées à 100% par la compagnie organisatrice.

Je dors d’abord dans un lodge puis dans une chambre d’hôte. Je pars armée de mes crampons amovibles achetés au Québec ! et bien m’en a pris… chaque pas est une occasion de chute sur un sol perpétuellement glacé.

Le premier éblouissement a été d’arriver à Kangerlussuaq, ville d’atterrissage des vols en provenance de Copenhague ou de Reykjavik, qui sont les deux seuls pays d’accès au GROENLAND.

Je me retrouve au Groenland, côte ouest, au-dessus du cercle polaire arctique, à l’intérieur des terres. Kangerlussuaq signifie « grand fjord » en groenlandais : le 3ème plus long fjord du Groenland a donné son nom à ce bourg. Kangerlussuaq est connue pour son accès relativement facile à l’Inlandsis, la mythique calotte polaire qui occupe 80% de la surface du Groenland.

Première vue sur la glace

La première exploration a été celle du « Point 660 ». On parcourt 40 kilomètres sur l‘unique route du Groenland qui mène jusqu’à la calotte glaciaire, pour arriver au « Point 660 », porte d‘accès à l‘inlandsis. (L’appellation vient de l’altitude d’une colline proche haute de 660 m). Là j’ai mon premier émerveillement pour le tout glacé.

Voler de KANGERLUSSUAQ à ILULISSAT

Me voilà partie le lendemain matin dans un petit avion, qui vibre et tremble, pour 45 mn de vol vers la ville de ILILLUSSAT. Il fait un soleil éclatant, à moins 20 degrés et on survole du blanc pour arriver au-dessus de la baie et apercevoir les icebergs géants qui flottent.

ILULISSAT

Cette ville est incroyable ! elle donne sur la baie de DISCO, classée au patrimoine Mondial de l’Unesco. L’été les icebergs migrent en blocs dans la baie rendant difficile la navigation Par contre les baleines affluent avec le renouveau des occasions de se nourrir !

la ville d’ILLULISSAT

Faire une randonnée en raquettes vers L’ICEFIORD

Me voilà partie en randonnée en raquettes dans le blanc. Un jeune guide Danois m’accompagne. Je suis passée à des endroits où je ne serais jamais allée seule ! C’était calme, immense et beau.

Voir les aurores boréales

C’est un pari sur le ciel dégagé, l’absence de pollution lumineuse des villes, ce que veut bien faire le soleil avec sa poussière ! ( Allo prof 🙂 nous en parle) ça ne se trouve pas comme ça les aurores boréales ! bon, a on plus de chances d’en voir l’hiver parce que le ciel est encore noir. Les photos Iphone ne sont pas grandioses, mais c’est extraordinairement fantastique d’avoir une arche de lumière changeante au-dessus de soi.

Aller en mini-croisière vers les icebergs

J’avais envie de les voir de plus prés et de ressentir leur taille majestueuse ! Ils sont incroyables de beauté.

Découvrir l’art

Un petit tour au musée d’Illullissat m’a permis de découvrir des tenues riches en couleur avec des broderies de perle. Les perles en verre sont arrivées après les perles en os et petits éléments trouvés par les femmes dans la nature. Ce travail de perles se perpétue.

manchon contemporain

Un petit tour au musée d’art moderne m’a permis de découvrir des peintures craquantes d’humour et/ ou de modernité. Il est impossible de retrouver les artistes sur google qui me demande de changer d’orthographe 🙁

Passer une journée à la pêche dans la glace

Cette journée a duré du lever au coucher du soleil ! je l’ai passée avec la famille de Leila, son fis et son mari pécheur. Nous voilà équipés de vêtements grand froid ( et ce n’est pas inutile), de la tête aux pieds pour toute la durée de l’épopée.

Ça commence par monter et descendre les colines glacées à l’arrière d’une moto-neige et s’accrocher pour ne pas tomber dans les cahots pendant 45 mn. Quand nous faisons une halte pour admirer le glacier, mes bras tremblent de l’effort qu’ils viennent de faire. J’aurai des courbatures pendant deux jours.

Nous arrivons au camp où restent les chiens tout l’hiver pour embarquer sur les traineaux recouverts de peaux tenues par des cordages. Importants les cordages, parce que c’est à eux que l’on s’accroche quand le traineau fuse sur la glace et verse (un peu) dans les tournants.

Les chiens sont attelés et aboient d’impatience, ils commencent à tirer sur les laisses. Ils sont 8 en éventail ! aussitôt le traineau accroché, ils faut se jeter dessus et s’installer à califourchon parce qu’en 1 seconde, ils fusent ! Nous voilà partis pour une heure de traineau sous les « yik yik » d’encouragements. Ça glisse, c’est beau, il fait très froid !

Nous arrivons à la zone de pêche où un trou a été fait dans la glace. Il faut tourner la manivelle qui remontre un filin de 150 mètres qui est parti courir sous la glace. Des hameçons sont mis tout au long du filin avec des appâts. La pêche sera bonne : 60 poissons pêchés aujourd’hui. Le même travail de pose d’appâts est fait au fur et à mesure que chaque poisson est décroché … et on relâche la ligne. Ils reviendront demain faire la récolte.

Aller d’ILULISSAT à OQAATSUT en petit bateau

Oqaatsut (Rodebay) situé à une vingtaine de kilomètres au nord d’Ilulissat. On ne peut y aller qu’en motoneige (si la glace dans la baie le permet) ou en bateau. c’est en bateau avec OLE que j’y vais, parce que la glace est déjà trop fragile !

Je vais dormir dans son hôtel et être accueillie le soir dans une famille pour un diner.

la pièce principale de l’hôtel de OLÉ

Être accueillie pour un repas du soir

Je suis accueillie pour un repas du soir et nos conversations vont porte sur les tatouages anciens maintenant autorisés précédemment interdits. Les missionnaires chrétiens ayant trouvé la pratique contraire aux usages de leur religion, cette dernière, considéré comme « porteuse de péché », a été interdite. Le tatouage de la jeune femme avec laquelle je parle n’est pas d’origine ethnique, mais inspiré d’une série sur netflix qui valorise les relations fortes père-fille.

Nous glissons vers nos séries préférées sur Netflix et sur les coutumes de politesse. Le repas fini, on me dit qu’il est impoli de parler à table parce que c’est un signe de non appréciation de la nourriture ! je n’ai, bien sûr, pas cessé de parler. Ce sera l’occasion d’en rire, une fois la relation nouée et de poursuivre sur notre comparaison des habitudes.

Ce moment fait bien sur réfléchir à l’exotisation par le tourisme de la rencontre forcée avec les personnes. Elles sont payées pour accueillir un touriste qui vient voir des autochtones dans un village. Il ne s’agit pas de rencontre entre des personnes. Les échanges sur netflix et sur les photos de nos enfants respectifs ont clairement décoincés la situation. Trouver ce que l’on a en commun pour commencer à échanger …

Glisser en traineau dans le silence du blanc

Cette journée a été celle de la glissade dans le blanc ; moi seule avec le jeune musher et ses chiens ; atteindre le somment de la montagne la-haut et glisser sur la crête . 4 heures de traineau dans les jappements actifs des chiens avec un arrêt café et petits gâteaux. Au retour, cette immense pente lentement gravie à l’aller par les chiens qui forcent, est descendue en un souffle dans la neige qui commence à tomber. J’ai peu de photos à cause de la vitesse, du froid et de la nécessité de se tenir au cordage. Mais ce fut une incroyable journée.

Passer un moment dans l’atelier de sculpture

Le voyage se finit, je fais encore un tour de cette beauté, je rends visite aux tailleurs de corne de boeuf musqué qui font des petites statuettes et je prépare mon sac.

Rallier KANGERLUSSUAQ pour COPENHAGE

Le matin il neige encore et l’aéroport est prêt à accueillir ce vol pour le Danemark.

Survoler l’Islande … et voir le soleil se coucher

J’ai jeté un oeil par le hublot au bon moment ; Paa et Jannick mes logeurs, m’avaient prévenue de ne pas m’endormir pour l’Islande. Encore une pureté immense de blanc.

Ce que j’ai appris

– Je me suis documentée sur la relation avec le Danemark pour mieux comprendre ce que je sentais comme une défiance sans être une soumission. La série BORGEN sur NETFLIX m’avait déjà sensibilisée. Un article récent de Classe internationale montre la nature des tensions entre le besoin de renforcer son indépendance financière pour gagner une réelle autonomie et l’entrée des secteurs industriels étrangers comme la Chine ou les États-unis qui feraient perdre leur identité culturelle aux populations.

Les conclusions de l’article : « Aujourd’hui encore, la société groenlandaise reste profondément marquée par les abus perpétrés par le Danemark durant la période coloniale et les politiques de « danisation » à marche forcée menées dans les années 1950 et 1960. Depuis la fin des années 1970, l’immense territoire a progressivement gagné en autonomie, se désolidarisant peu à peu de la tutelle de Copenhague. Néanmoins, bien que l’indépendance fasse quasiment l’unanimité sur l’île, les défis pour y arriver sont herculéens. Si le développement du secteur minier semble constituer une voie privilégiée par les élites locales dans l’accession du Groenland à la pleine souveraineté, elle se heurte encore à de nombreux obstacles. À cela s’ajoute l’intérêt grandissant pour l’île danoise de la part de puissances avides de nouvelles ressources à exploiter. Les stratégies adoptées par le Groenland, les réactions portées par le Danemark ainsi que les positions de puissances comme la Chine et les États-Unis seront toutes aussi déterminantes pour le devenir de cet immense territoire qui rêve d’indépendance. »

– Vivre dans une espace immense, naturel et dont le climat conditionne fortement le mode de vie et dont dépend l’activité professionnelle (comme la pêche) est une expérience que je n’avais jamais perçue, ni vécue (si ce n’est en partie). Je ne sais pas ce qu’elle va changer pour moi encore… certainement le rapport à l’enfermement, au mouvement dans l’espace et à mes activités hautement cérébralisées.

– Et le rapport à l’émerveillement qui ne peut pas être découplé d’une vision politique au sens large

5 réflexions sur “L’espace absolu du Groenland”

  1. Merci pour cet article rafraichissant Marie Christine. Contrairement à toi, j’adore le froid et l’immensité du blanc et la neige. Ma fille pense même que j’ai des gènes d’ours polaires, c’est dire ! En tout cas merci de nous faire voyager et apprendre avec toi. Bonne suite de voyage et aubplaisir de te revoir sur Toulouse

    1. Marie-Christine LLORCA

      Finalement j’ai adoré ! Nous ferons une réunion pédagogique d’ours polaires finalement !

  2. Salut 🙂
    Ravie de voir que ton périple se passe toujours bien, ce voyage au Groenland m’a l’air fabuleux j’espère que tu en as bien profité …
    Heureuse de savoir que tu t’es réconciliée avec les crampons aha !
    Claire ( de la rando au parc des Chutes à Montréal )
    PS: le projet tour du monde de la pâtisserie est toujours dans ma tête 😉

    1. Marie-Christine LLORCA

      j’ai du racheter des crampons, en ayant perdu définitivement ceux du Québec dans une première rando au Groenland ! et ceux là ont tenu ! ravie de voir que miles a pu voir le tour du monde de la pâtisserie devenir une graine plantée dans tes envies ! que tous se plantent dans la tête des petites graines d’aller voir ailleurs si on y est !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *